mercredi 2 décembre 2009

Fin de Chantier

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Il fait froid ce matin, il est vrai, nous sommes en février. Il faut bien se couvrir sous le bleu de travail pour ne pas se geler. Les uns comme les autres, nous avons enfilé, par-dessus tout cela, qui une parka, qui une canadienne, qui une vieille veste. C’est mon cas. Le bateau va partir dans quelques jours, tout le monde est sur le pont et on commence à voir quelques militaires en tenue de travail, venus se familiariser avec leur bateau avant son départ. Ils sont là parmi nous et participent à la pagaïe du bord. Il nous reste tant de choses à terminer avant l’appareillage ! Ce bateau est aussi en ce moment le domaine des balayeurs et des peintres. On en voit sortir de tous les recoins. Une image me restera longtemps en mémoire : celle de ce peintre qui, précédé de son matériel s’extrait des ballasts au travers d’un trou d’homme[8]. Ce n’est plus un homme, lui, mais plutôt un extra-terrestre, une sorte de zombie couvert de peinture et de poussière. Seul les yeux ressemblent encore à ceux d’un être vivant. Il a du ramper pour accéder à ces endroits où personne ne va afin de les décaper, nettoyer et peindre.
« Qui peut accepter de faire ce boulot ? » demandais-je à mon matelot.
« Le chantier confie ce travail infâme à un sous-traitant local. Les gars qui acceptent ces tâches reçoivent des salaires beaucoup plus élevés que les nôtres. Mais tu vois leurs conditions de travail ! »
Effectivement, je suis surpris, ce n’est pas l’image idyllique que je me faisais du travail à bord.
Ma démission vient d’être envoyée, et mon départ est prévu pour le vingt-cinq février. Une semaine de préavis, le temps de prévenir les collègues, l’équipe du midi et notre « petit pape ». Quelques verres seront nécessaires pour marquer ce départ si lointain… sur l’autre rive du fleuve. Le temps aussi de voir ce bateau sur lequel j’ai fait mes « premières armes » quitter le quai par ses propres moyens. Eh bien non ! Il est parti sans tambour ni trompette à la marée du soir, emportant ma vieille veste restée à bord et mes souvenirs de jeune ouvrier.
                                                                                                       
Certificat de travail

   






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